L’IoT industriel est un nouvel outil à la disposition des entreprises pour améliorer leur productivité. Pour profiter au mieux de son potentiel considérable, il est important de comprendre les défis qu’implique sa mise en place et les étapes cruciales à la réussite du déploiement de l’Internet des Objets industriel.
Engagé dans une démarche de déploiement de l’IoT au sein de son groupe industriel, Didier Henry, qui dirige Setforge Engineering, nous présente les différentes étapes qu’il a suivies et les principaux verrous qu’il a dû lever pour préparer le déploiement de l’IoT au sein des usines.
Pourriez-vous nous présenter votre entreprise et les fonctions que vous occupez ?
Setforge Engineering, que je dirige, est la société support de groupe Setforge, filiale de Farinia Group, spécialiste de la forge, de la fonderie et de l’usinage. A ce titre, nous sommes chargés de soutenir l’industrialisation de gammes en support de nos sites et d’étudier attentivement toutes les nouvelles technologies et les innovations qui pourraient intéresser Farinia Group.
Le chiffre d’affaires du groupe est d’environ 180 millions d’euros avec une dizaine de sociétés situées en France. Environ 50% de notre activité reste consacrée à l’automobile, mais nous travaillons aussi pour tous les autres secteurs : “off highway”, aéronautique, pétrole, textile..etc.
Où en êtes-vous concrètement dans l’utilisation de l’IoT dans les activités industrielles de votre groupe ?
Cela fait environ 2 ans que nous préparons activement le déploiement de l’IoT au sein de nos sites industriels, et nous l’avons véritablement lancé à grande échelle il y a quelques semaines. Plusieurs sites ont engagé des chantiers pour connecter les machines et nous sommes en train de mettre en place la plateforme de communication.
Quelles ont été les grandes étapes de préparation avant le déploiement de l’IoT sur sites ?
Dans un premier temps nous avons pris soin de sécuriser nos réseaux industriels, avant toute connexion de machines, Et comme je vous le disais, nous passons maintenant à l’étape de déploiement sur les sites.
Qu’est-ce qui vous a poussé à développer l’IoT au sein de votre groupe industriel ?
Nous cherchons constamment à améliorer et à optimiser nos gammes, une bonne partie de notre travail étant d’améliorer les process pour utiliser les machines au meilleur de leurs capacités.
Aujourd’hui, si nous voulons améliorer la productivité, nous devons trouver de nouveaux espaces, car les variables de nos process connues sont sous contrôle, grâce à notre longue expérience (certains de nos sites ont près de 100 ans).
Pour trouver ces nouveaux espaces, nous devons donc mieux connaître nos machines et nos procédés et donc capter plus de paramètres et les associer à l’activité réelle tout au long du process.

C’est dans ce cadre que l’IoT est un outil précieux qui permet de connecter l’espace-temps, la production et les données des machines, y compris celles que nous ne surveillons pas aujourd’hui, pour découvrir les nouveaux espaces dont je parlais.
Par exemple, il peut s’agir de données qui sont déjà captées aujourd’hui par une machine mais qui servent uniquement à un fonctionnement interne : vibrations, températures, données d’environnement comme l’humidité… Il nous faut arriver à associer des données assez fines avec un taux de rebut, un TRS (Taux de Rendement Synthétique) ou une productivité, pour être capables, soit en temps réel soit en off, de faire des analyses et de trouver des pistes d’amélioration.
Quelles sont selon vous les principaux verrous à débloquer pour la mise en place de l’IoT ?
Le premier verrou est celui du coût : contrairement aux idées reçues, cette démarche IoT est sur un ROI long, l’investissement de départ peut être significatif et les gains eux sont à explorer et basés sur une amélioration de la maîtrise future. Il est donc important de bien structurer la démarche.
Le deuxième verrou, c’est celui d’organisation et de sécurisation des réseaux : avec l’IoT, on connecte quand même in fine nos machines à Internet, ce qui représente un enjeu certain en matière de sécurité informatique. Cela met aussi en lumière les failles liées à de vieux automates toujours en service. Il faut prendre aussi en compte le facteur humain, car les maintenanciers sont généralement très sceptiques à l’idée de connecter une machine.
Quant au troisième verrou, il est technique. En effet, il n’est pas toujours facile de connecter des machines, des automates et des capteurs, des différentes générations et différentes marques, dans un environnement industriel, notamment avec des connexions sans fil : il y a des fosses, des parois métalliques, etc.
Pourriez-vous nous en dire plus sur la question des coûts liés à la mise en place de l’IoT ?
Il y a 3 grands facteurs de coûts :
- l’interprétation des données, la mise en dashboarding, etc. : pour cela nous utilisons l’outil Diapason développé par notre société informatique SAFIR, qui nous va très bien ;
- la partie protocole de remontée, stockage, également via SAFIR, que nous maîtrisons assez bien aujourd’hui ;
- la partie capteurs et connexion aux automates, sur laquelle nous travaillons encore.
Si le ROI à attendre de l’IoT est généralement long, comme je l’ai mentionné, il y a tout de même des cas d’usage avec des gains rapides, par exemple sur les lignes connectées nous avons aujourd’hui une vision en temps réel, partagée à la fois par les opérateurs et les managers, y compris sur smartphone. Cela nous permet d’avoir une grande réactivité pour la maintenance, les changements d’outils, l’anticipation des productions des services supports : nous avons vite gagné quelques points de TRS.
Un autre exemple est la mise en place de capteurs de mesure d’énergie et de consommation d’eau, permettant des actions rapides d’économies.
Quelle est la place de la GMAO Mobility Work dans votre stratégie IoT ?
Mobility Work est notre outil de gestion de la maintenance. Grâce à cette GMAO et à l’IoT, nous pouvons marier des données numériques qui viennent des machines avec les interprétations des techniciens de maintenance.
Par ailleurs, Mobility Work va nous permettre de mettre en place des tâches automatisées à partir d’informations de capteurs et déclencher des inspections.

Quels conseils donneriez-vous aux entreprises qui envisagent d’utiliser l’IoT ?
D’une manière générale, je dirais qu’il faut prendre le temps de choisir des fournisseurs fiables et qui proposent des solutions adaptées à ses besoins.
D’autre part, ce qui me semble important dans le lien entre maintenance, IoT et production, c’est de bien rapprocher les données de production des données des machines. Par exemple, les paliers d’alerte peuvent être différents sur une même machine selon la pièce en cours de production.
Pour finir, quelles sont selon vous les grandes tendances à venir dans l’IoT industriel ?
A mon avis il y aura 2 grandes tendances dans l’IoT industriel dans les prochaines années :
- les données seront de plus en plus remontées vers le Cloud, donc dans un univers assez lointain du terrain, pour faire des analyses assez poussées grâce à l’intelligence artificielle notamment ;
- parallèlement, certains capteurs seront capables de traiter directement les données sans aide extérieure, grâce à leurs propres calculs et leurs propres interprétations, pour permettre une réactivité immédiate sur la machine.
Selon moi ces 2 tendances vont se développer parallèlement.
Un grand merci à Didier Henry pour son témoignage et sa disponibilité !