Mobility Work met à l’honneur les métiers de la maintenance et ses parcours parfois atypiques. Pour ce cinquième épisode, c’est Didier, mécanicien de maintenance, qui revient pour nous sur les évolutions récentes de la maintenance dans l’industrie automobile.
Mobility Work : « Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel ?
J’ai débuté en tant que mécanicien de maintenance industrielle dans le secteur automobile il y a maintenant plus de trente ans. J’ai passé la quasi totalité de ma carrière dans la même entreprise dans laquelle j’exerce encore aujourd’hui.
Quel a été votre parcours dans l’entreprise ?
Au cours de ces trente ans de carrière, j’ai pu explorer différents secteurs de la maintenance dans l’industrie automobile.
J’ai débuté en tant qu’agent de lancement. J’étais notamment en charge de la gestion des flux d’approvisionnement : réception des commandes, préparation, mais aussi commandes de pièces en fonction des commandes et des impératifs de production. À cette époque, notre équipe se spécialisait dans la production de hottes d’aspiration et de pompes à essence. Je suis resté trois mois à ce poste avant de rejoindre une autre entité du groupe.
Au cours des années qui ont suivi, j’ai eu l’opportunité de découvrir de nombreux secteurs d’activité. J’ai d’abord été assigné aux machines à coudre, celles que l’on utilise pour élaborer l’extérieur des sièges automobiles. C’est un travail minutieux que l’on exerce en face à face avec les machines. Je suis resté quatre ans à ce poste.
Ensuite, j’ai intégré pendant deux ans l’équipe en charge de la maintenance cartonnerie. La production de cartonnerie s’applique notamment aux structures présentes dans les panneaux de portes, par exemple. Les pièces sont solides et doivent répondre à un ensemble de critères de qualité.
De la maintenance cartonnerie, je suis passé à la câblerie. Là, nous nous occupions de tous les câbles automobiles, depuis le tableau de bord jusqu’au coffre. Pendant huit ans, j’ai participé à la coupe de longueur de fils, de câbles et de faisceaux.
Enfin, j’ai rejoint l’équipe de montage, dont la tâche est d’assembler les différentes pièces de la voiture produites par des entreprises externes.
Avez-vous pu remarquer des spécificités propres à ces services ?
Bien sûr, ce ne sont pas les mêmes applications. Il faut à chaque fois connaître les machines, les techniques. Mais c’est passionnant, car on est amené à apprendre et à se spécialiser constamment.
Nous n’intervenons pas toujours nous-mêmes sur les machines : lorsqu’une panne ou un défaut est constaté, les techniciens le signalent et l’information est remontée à un dispatcheur. C’est lui qui est chargé de répartir les tâches et de transmettre l’intervention au technicien de maintenance le plus qualifié.
Quelles transformations des métiers de la maintenance avez-vous constaté au sein de votre secteur d’activité au cours des 30 dernières années ?
Les technologies ont transformé le paysage de la maintenance industrielle. Ces dernières années, les effectifs de production et de maintenance ont diminué significativement au profit de machines automatisées.
Il y a une vingtaine d’années, la plupart des entreprises de l’industrie automobile cherchaient à investir dans la robotique. Aujourd’hui, il semblerait qu’elles fassent demi-tour et qu’elles aient la volonté de replacer l’humain au centre, de s’affranchir davantage des infrastructures mécaniques ou électriques. Je pense qu’elles y voient un avantage économique majeur, car finalement, les pièces de rechange et les réparations leur reviennent plus cher que l’humain. C’est une tendance assez récente, mais j’ai le sentiment que les entreprises cherchent à simplifier leur parc de machines, car le coût de la maintenance industrielle est progressivement devenu plus élevé que celui de la production.
Un autre élément que l’on peut aborder serait l’externalisation des ressources humaines. Les entreprises tendent de plus en plus souvent à faire appel à des organisations tierces et à externaliser leurs opérations de maintenance industrielle, ce qui n’était pas le cas auparavant. Il s’agit probablement pour eux d’un moyen de pallier la diminution des effectifs.
Au niveau contractuel, cela signifie que ce sont les prestataires qui portent la responsabilité en cas d’arrêt de la production. Par exemple, si la maintenance est réalisée en interne, les temps d’arrêt des équipements se traduiront par des pertes sèches pour l’entreprise. À l’inverse, lorsque la maintenance est prise en charge par une tierce partie, celle-ci est responsable des pertes engendrées.
Ce changement de paradigme que vous évoquez a-t-il changé quelque chose à votre quotidien ?
L’un des éléments qui m’a le plus marqué, c’est sans doute l’organisation des ateliers.
Au commencement de ma carrière, nous avions l’habitude de travailler sur des machines individuelles. Chaque technicien, chaque mécanicien était responsable du maintien et du bon fonctionnement de son équipement. L’ensemble des opérations étaient réalisées sur un petit nombre de postes par les techniciens, la production était organisée par groupements d’îlots autonomes. Les machines individuelles ont été progressivement remplacées par des lignes de production. Les tâches sont divisées, les opérations exécutées en chaîne.
Nos routines de maintenance industrielle ont dû s’adapter en conséquence : nous avons délaissé la petite maintenance pour des machines de fabrication et d’assemblage plus importantes. Ce ne sont plus les mêmes pièces que nous devons gérer, tant au niveau de la taille que des fonctionnalités, ce qui requiert d’autres compétences de notre part.
Cela a aussi un impact sur le processus de fabrication en lui-même. Lorsque la production est organisée en îlots, nous avons la possibilité de préparer les pièces, de réparer l’équipement en atelier si nécessaire, et seule la machine concernée est affectée par l’opération de maintenance. Aujourd’hui, nous devons intervenir directement sur la ligne de production. Toute la chaîne est immobilisée le temps de l’opération de maintenance et le processus de fabrication peut pâtir de ce temps d’arrêt.
En tant que technicien de maintenance, quel usage faites-vous des outils digitaux ?
On recourt à des outils pour la gestion de nos stocks, notamment. C’est très pratique lorsque l’on doit sortir ou retrouver des pièces grâce aux références.
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Nous utilisons aussi des capteurs intégrés aux équipements, qui nous permettent de stopper les chaînes de production en cas de besoin et ainsi d’organiser nos interventions de maintenance en conséquence.
Nous l’avons vu dans la presse ces dernières années, l’industrie automobile a été frappée par une crise de grande envergure. cela a-t-il eu des répercussions sur votre métier ?
Les routines de maintenance industrielle sont alignées aux rythme et méthodes de production. Certains sites de production ont été remaniés, le nombre de lignes de production a diminué, certainement dans un souci de réduire les coûts. Les besoins en maintenance ne sont donc logiquement plus les mêmes.
Les effectifs sont progressivement réduits, les départs sont de moins en moins remplacés. La moyenne d’âge du personnel augmente et il y a peu de renouvellement. Les recrutements se font majoritairement en interne, par système de mutation notamment.
Quel avenir envisagez-vous pour les métiers de la maintenance ?
Selon moi, le métier de technicien de maintenance tel que nous le connaissons aujourd’hui va connaître de profondes transformations. Chaque fabricant cherche désormais à gérer la maintenance de ses produits et équipements, à limiter le recours aux prestataires.
En parallèle, on assiste à l’émergence d’une nouvelle facette du métier. De plus en plus de techniciens opèrent désormais de façon « itinérante ». Ces techniciens sont détachés pour des interventions de maintenance corrective ou préventive données, par exemple pour des opérations informatiques comme des programmes automates. »
Merci à Didier pour son témoignage. Pour être alertés de notre prochain article dédié aux métiers et formations de la maintenance, suivez-nous sur nos réseaux sociaux !